Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/10

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su faire de même, nous connaîtrions bien mieux aujourd’hui leurs hauts faits.

Je parle de Bradamante et de Marphise, dont j’ai beaucoup de peine à remettre en lumière les éclatantes prouesses, car neuf sur dix me sont inconnues. Je rapporte volontiers celles que je sais, autant parce qu’il est bon de divulguer le plus possible toute œuvre grande, que parce que je désire vous plaire, mesdames, vous que j’honore et que j’aime.

Roger, comme je vous l’ai dit, se tenait prêt à partir ; il avait pris congé de ses compagnes, et retiré son épée enfoncée dans le cyprès, lorsqu’une plainte stridente, s’élevant non loin de là, vint l’arrêter. Il courut avec les deux dames pour porter secours où il en serait besoin.

A mesure qu’ils avançaient, les cris devenaient plus aigus et les paroles plus intelligibles. Arrivés dans la vallée, ils virent que ces plaintes étaient poussées par trois dames dans un assez étrange accoutrement. Leurs vêtements avaient été coupés jusqu’au nombril par quelques malfaiteurs sans doute, et, ne sachant comment se dérober aux regards, elles étaient accroupies par terre, et n’osaient plus se lever.

De même que le fils de Vulcain, venu au monde sans mère et que Pallas fit élever par les soins d’Aglaure, aux yeux trop hardis, cachait ses pieds tordus en s’asseyant dans un char de son invention, ainsi ces trois jouvencelles cachaient leurs beautés secrètes en se tenant assises.