Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/126

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temps pour pleurer, qu’il fit taire sa douleur pour laisser sortir sa colère. Mais il est temps que je mette fin à ce chant.


CHANT XLII


Argument. — Le combat de Lampéduse se termine par la mort de Gradasse et d’Agramant, occis par la main de Roland, qui accorde la vie à Sobrin. — Bradamante se désole du retard de Roger. — Renaud, en allant sur les traces d’Angélique, trouve un remède qui le guérit de son amoureuse passion. S’étant remis en chemin pour rejoindre Roland, il fait la rencontre d’un chevalier qui le reçoit dans un magnifique palais orné de statues représentant diverses dames de la maison d’Este. Son hôte lui propose un moyen de s’assurer de la fidélité de sa femme.

Quel frein assez dur, quel nœud de fer, quelle chaîne de diamant, s’il peut en exister, feraient que la colère se pourrait contenir dans de justes bornes et ne dépassât point la mesure, quand on voit celui pour lequel Amour vous a mis au cœur une solide affection, frappé par ruse ou par violence de déshonneur ou d’un coup mortel ? Et si l’âme devient alors cruelle et inhumaine, il faut l’excuser, car la raison n’a plus de prise sur elle. Achille, après avoir vu Patrocle, sous les armes qu’il lui avait prêtées, rougir la terre de son sang, ne put assouvir sa colère en tuant son meurtrier ; il fallut encore qu’il le traînât derrière son char et lui fît mille outrages.