Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/127

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Invincible Alphonse, c’est une colère pareille qui enflamma vos soldats, le jour où vous fûtes si gravement blessé au front d’un coup de pierre, que chacun crut votre âme partie pour l’autre monde ; leur fureur fut telle, que retranchements, murailles ou fossés, rien ne put protéger les ennemis contre leur élan, et qu’ils ne s’arrêtèrent qu’après les avoir tous massacrés, sans en laisser un seul vivant pour porter la nouvelle.

C’est en vous voyant tomber, que les vôtres entrèrent dans une telle fureur, et se livrèrent à de telles cruautés. Si vous aviez été debout, vous auriez certainement modéré leur soif de carnage. Cela vous suffisait en effet d’avoir repris la Bastia en quelques heures, alors que les gens de Grenade et de Cordoue avaient dû employer plusieurs jours pour vous l’enlever.

Peut-être fut-ce une vengeance permise par Dieu, que vous vous soyiez trouvé en pareil état, afin que les ennemis fussent ainsi punis des épouvantables excès auxquels ils s’étaient livrés quelque temps auparavant. Le malheureux Vestidel, las et blessé, s’étant rendu leur prisonnier, fut frappé, alors qu’il était sans armes, et tué de plus de cent coups d’épée par ces forcenés, dont la plupart étaient mahométans.

Mais, pour conclure, je dis qu’il n’y a pas de colère comparable à celle qu’on éprouve quand on voit outrager sous ses yeux un parent ou un vieil ami. Il était donc tout naturel qu’une colère soudaine envahît le cœur de Roland, lorsqu’il vit