Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/130

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Roland, bien qu’il dût se réjouir d’une fin si chrétienne, et bien qu’il sût que Brandimart était monté aux demeures bienheureuses, car il avait vu le ciel s’ouvrir pour lui, ne pouvait cependant maîtriser sa nature humaine et ses sens fragiles. En songeant qu’il venait de se voir enlever celui qui était pour lui plus qu’un frère, il ne pouvait empêcher les larmes d’humecter son visage.

Sobrin gisait depuis longtemps à terre, perdant beaucoup de sang qui découlait de sa tête sur ses joues et sur sa poitrine. Il ne devait plus guère en rester dans ses veines. Quant à Olivier, il était encore renversé sous son cheval, et n’avait pu dégager son pied que le poids du destrier avait à moitié brisé.

Et si son beau-frère, gémissant et tout en larmes, n’était pas venu l’aider, il n’aurait pu se dégager de lui-même. Son pied lui faisait tellement mal, qu’une fois qu’il l’eut retiré de dessous son cheval, il ne put ni s’en servir, ni même s’appuyer dessus. Sa jambe elle-même était si engourdie, qu’il lui fallut se faire aider pour pouvoir changer de place.

Roland se réjouit peu de la victoire ; il lui était trop dur, trop cruel de voir Brandimart mort et son beau-frère dans un état si peu rassurant. Sobrin était encore vivant, mais c’est à peine s’il lui restait quelque souffle, car sa vie était prête à s’exhaler avec la dernière goutte de son sang.

Le comte le fit enlever tout sanglant du champ de bataille, et le fit soigner avec beaucoup de