Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/134

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Maugis éprouve un grand étonnement d’un cas si étrange. Il sait que, seul entre ses rivaux, Renaud a eu jadis l’occasion de tenir plus de cent fois Angélique dans son lit, et lui-même, persuadé de cette vérité, avait fait tout ce qu’il avait pu, par ses prières et par ses menaces, pour le pousser à ce résultat, sans avoir pu jamais l’y amener.

Il l’avait d’autant plus vivement poussé dans cette voie, qu’en écoutant ses conseils, Renaud aurait alors retiré Maugis de prison. Et voilà que maintenant que l’occasion est manquée, et que rien ne peut plus lui venir en aide, Renaud demande de lui-même ce qu’il a jadis refusé plus que de raison ; voilà qu’il vient le prier, lui Maugis, alors qu’il doit se rappeler qu’il a failli causer sa mort en une obscure prison par ses refus d’autrefois !

Mais plus les sollicitations de Renaud paraissent importunes à Maugis, plus ce dernier reconnaît manifestement combien son amour est grand. Les prières de Renaud le touchent enfin ; il noie dans l’océan de sa mémoire le ressentiment de l’offense ancienne, et s’apprête à lui venir en aide.

Il met fin à ses obsessions, et lui rend l’espoir en lui disant qu’il lui sera favorable, et qu’il saura lui dire quelle route suit Angélique, qu’elle soit en France ou ailleurs. Aussitôt Maugis se rend à l’endroit où il a l’habitude de conjurer les démons. C’est une grotte située au sein de monts inaccessibles. Il ouvre son livre, et appelle la foule des esprits infernaux.

Puis il en choisit un fort instruit sur tous les