Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/138

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pouvait les clore et par conséquent je crois qu’il lui était impossible de dormir. Il avait autant d’oreilles que d’yeux. Au lieu de cheveux, il avait sur la tête une multitude de serpents. Ce spectre épouvantable était sorti des ténèbres infernales pour se répandre sur le monde. Il avait pour queue un féroce et immense serpent, qui roulait ses nœuds autour de sa poitrine.

Ce qui n’était jamais arrivé à Renaud en mille et. mille aventures lui arriva là. Quand il vit le monstre s’apprêter à l’attaquer, et s’élancer sur lui, une peur inconnue jusque-là pénétra dans ses veines. Cependant il dissimula, résolu à montrer son audace accoutumée. D’une main tremblante, il saisit son épée.

Le monstre s’apprête à lui donner un rude assaut, avec autant de science que s’il était maître de guerre. Le serpent venimeux se déroule en l’air, puis il s’élance contre Renaud, autour duquel il multiplie, de çà de là, ses bonds énormes. Renaud cherche à s’en défendre, mais c’est en vain qu’il prodigue ses coups à droite et à gauche. Aucun d’eux n’atteint son adversaire.

Tantôt le monstre dirige sur la poitrine de Renaud son serpent qui se glisse sous les armes du chevalier et le glace jusqu’au cœur ; tantôt il le fait pénétrer par la visière et le promène sur le cou et sur la figure de Renaud. Celui-ci finit par se débarrasser de cette étreinte, et donne tant qu’il peut de l’éperon à son cheval. Mais l’infernale Furie n’est pas boiteuse ; d’un bond elle le ratrappe, et lui saute en croupe.