Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/139

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Qu’il aille à gauche, à droite, où bon lui semble, Renaud a toujours cette bête maudite acharnée après lui. Il ne sait comment s’en débarrasser, bien que son destrier ne cesse de lancer des ruades. Le cœur de Renaud tremble comme une feuille ; non pas que le serpent le tourmente davantage, mais il éprouve une telle horreur, un tel dégoût, qu’il crie, gémit, et se plaint de vivre encore.

Il se jette dans les sentiers les moins frayés, dans les chemins les plus affreux, au plus épais du bois ; il gravit les pentes les plus raides ; il s’enfonce dans les défilés les plus inextricables de la vallée, là où l’air est le plus obscur. Il espère ainsi arracher de dessus ses épaules l’abominable, l’horrible bête qui y est attachée. Il n’y serait sans doute point parvenu, si quelqu’un n’était soudain arrivé à son secours.

Mais il est secouru à temps par un chevalier couvert d’une armure d’acier éclatante et splendide, et portant pour cimier un joug rompu. Son écu jaune est semé de flammes ardentes, ainsi que le reste de ses vêtements d’un caractère sévère, et la housse de son cheval. Il a la lance au poing, l’épée au côté ; sa masse pendue à l’arçon projette du feu.

Cette masse est remplie d’un feu éternel qui brûle toujours sans la consumer jamais. La bonté d’un écu, la trempe d’une cuirasse, l’épaisseur d’un casque, rien ne lui résiste. Le chevalier se fait infailliblement faire place, partout où il en dirige l’inextinguible lumière. Il ne lui fallait pas