Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas à le rejoindre sur le sommet de la colline et, marchant à ses côtés, il le conduit hors de ces lieux sombres et dangereux.

Dès que Renaud le voit revenu près de lui, il lui dit qu’il lui doit des remerciements infinis, et que partout où il sera, il peut disposer de sa vie. Puis il lui demande comment il se nomme, afin qu’il puisse proclamer le nom de celui qui est venu à son secours, et exalter sa vaillance parmi ses compagnons, devant Charles lui-même.

Le chevalier lui répond : « Ne te mets pas en peine de ce que je ne veux pas te dire mon nom maintenant. Je te le dirai avant que l’ombre n’ait cru d’un pas, ce qui ne tardera guère. » En continuant à marcher côte à côte, ils finirent par trouver une source fraîche, aux eaux claires, à laquelle les bergers et les voyageurs, attirés par son doux murmure, venaient boire l’amoureux oubli.

C’étaient là, seigneur, ces eaux glacées qui éteignent le feu de l’amoureuse ardeur. C’était après y avoir bu qu’Angélique avait conçu pour Renaud la haine qu’elle ne cessa depuis de lui porter ; et si lui-même avait autrefois montré tant de mépris pour elle, l’unique cause, seigneur, en était qu’il avait bu aussi de ces mêmes eaux.

Dès que le chevalier avec lequel Renaud chemine se voit devant la claire fontaine, il retient son destrier tout fumant et dit : « Nous reposer ici ne saurait nuire. » Renaud dit : « Cela ne peut que nous faire du bien ; car, outre que la