Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/142

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chaleur de midi m’oppresse, le monstre m’a tellement travaillé, qu’il me sera doux et agréable de me reposer. »

L’un et l’autre descendent de cheval, et laissent leurs bêtes paître en liberté par la forêt. Tous deux mettent pied à terre dans l’herbe parsemée de fleurs rouges et jaunes, et retirent leur casque. Renaud, poussé par la chaleur et la soif, court aussitôt vers la source de cristal, et buvant à long traits son eau fraîche, chasse en même temps de sa poitrine embrasée la soif et l’amour.

Quand le chevalier le voit relever la bouche de dessus la fontaine, et revenir entièrement guéri de son fol amour, il se lève tout debout, et d’un air altier, il lui dit ce qu’il n’a pas voulu lui dire auparavant : « Sache, Renaud, que mon nom est : le Dédain ! Je suis venu uniquement pour te délivrer d’un joug indigne. »

À ces mots, il disparaît et son destrier disparaît avec lui. Cette aventure semble un grand miracle à Renaud. Il cherche tout autour de lui et dit : « Où est-il passé ? » Il ne sait si tout ce qu’il vient de voir n’est pas.du domaine de la magie, et si Maugis ne lui a pas envoyé un de ses serviteurs infernaux pour rompre la chaîne qui l’a si longtemps retenu captif.

Peut-être aussi, du haut de son trône, Dieu lui a-t-il, dans son ineffable bonté, envoyé, comme il fit jadis pour Tobie, un ange chargé de le guérir de son aveuglement. Mais que ce soit un ange, un démon, ou toute autre chose, il le remercie de lui