Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/171

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les présents adoucissent la plus dure ; mais il l’a oublié au moment où il avait besoin de s’en souvenir, et il est allé au-devant de son propre malheur. Il connaissait pourtant aussi bien que moi l’exemple qu’il avait eu sous les yeux dans la ville voisine, sa patrie et la mienne, que les eaux endormies du Mincio entourent d’un lac marécageux.

« Je veux parler du riche présent d’un chien que fit Adonio à la femme d’un juge. » « Le récit de cette aventure — dit le paladin — n’a pas traversé les Alpes, et est seulement connu chez vous, car en France, ni dans les pays étrangers où je suis allé, je ne l’ai jamais entendu raconter. De sorte que si cela ne t’ennuie pas de me la dire, je suis volontiers disposé à t’écouter. »

Le marin commença : « Jadis était dans cette ville un certain Anselme, de famille honorable. Après avoir passé sa jeunesse à apprendre la science qu’enseigne Ulpian, il chercha une femme de noble race, belle, honnête, et en rapport avec sa position ; il en trouva une, dans une ville voisine, qui était d’une beauté surhumaine.

« Ses manières étaient si aimables et si gracieuses, qu’elle paraissait n’être qu’amour et beauté. Peut-être était-elle plus belle qu’il ne convenait à la position d’Anselme. À peine l’eut-il en sa possession, qu’il dépassa en jalousie tous les jaloux qui furent jamais en ce monde ; et cependant elle ne lui avait encore donné d’autre motif de jalousie que d’être trop accorte et trop belle,