Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/170

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rais qu’augmenter fort peu cette certitude. De sorte que, si la preuve m’en était donnée, j’en tirerais un minime bénéfice ; tandis que le mal que j’éprouverais ne serait pas petit, si je voyais, concernant ma Clarisse, ce que je ne voudrais point voir. Ce serait risquer mille contre un, à ce jeu où l’on peut perdre beaucoup et gagner peu. »

Pendant que le chevalier de Clermont songeait à cela tout pensif, et le visage baissé, un des marins qui se trouvaient en face de lui le regardait fixement et avec une attention profonde. Cet homme, beau parleur et hardi compagnon, ayant deviné la pensée qui le préoccupait, l’amena à lier conversation avec lui.

La conclusion de leur entretien fut qu’il avait été bien mal avisé celui qui avait tenté sur son épouse la plus délicate expérience qu’on pût tenter sur une femme, car celle qui, s’armant de pudeur, aura su défendre son cœur contre l’or et l’argent, le défendra bien plus facilement au milieu de mille épées levées ou de la flamme ardente.

Le marin ajoutait : « Tu lui as très justement dit qu’il n’aurait pas dû offrir de si riches présents à sa femme. Tous les cœurs ne sont point trempés pour résister à de tels assauts et à de tels coups. Je ne sais si tu as entendu parler d’une jeune femme — peut-être cette histoire est-elle connue chez vous ? — que son mari avait surprise en semblable faute, et qu’il avait, pour cela, condamnée à mourir ?

« Mon maître aurait dû se rappeler que l’or et