Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/174

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ner près de Sa Sainteté pendant un temps indéterminé. On tira au sort, et le choix tomba sur le juge. Ô jour d’éternelle douleur pour lui ! Il s’excusa, il pria, il multiplia les offres et les promesses pour ne point partir ; enfin il fut forcé d’obéir.

« Ce fut pour lui une douleur aussi cruelle à supporter que s’il s’était vu ouvrir les flancs et arracher le cœur. Pâle et blême de crainte jalouse au sujet de sa femme, il la supplie, par les prières qu’il croit le plus convaincantes, de ne pas manquer à sa foi pendant qu’il sera au loin ;

« Lui disant que ni beauté, ni noblesse, ni grande fortune ne suffisent à une femme pour la faire tenir en honneur, si, de réputation et de fait, elle n’est point chaste ; que la chasteté est une vertu d’autant plus prisée qu’elle a résisté à plus d’attaques, et que son absence va lui fournir une belle occasion d’éprouver sa pudeur.

« Par ces raisonnements et beaucoup d’autres du même genre, il cherche à lui persuader de lui être fidèle. Sa femme se lamente de ce dur départ, Dieu sait avec quelles larmes, quelles doléances ! Elle jure que le soleil verra s’obscurcir sa lumière avant qu’elle soit assez criminelle pour rompre sa foi, et qu’elle mourra plutôt que d’en avoir même la pensée.

« Bien qu’il croie à ces promesses et à ces serments, et qu’il en soit quelque peu rassuré, le juge ne laisse point pour cela d’essayer d’un autre moyen pour conjurer ses alarmes. Il avait un ami