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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/177

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tourné, qu’il se sent arracher le cœur de la poitrine. Sa femme, tant qu’elle peut, le suit des yeux, d’où les larmes se répandent sur ses joues.

« Cependant Adonio, misérable, malade,comme j’ai déjà dit, pâle et le menton couvert de barbe, s’acheminait vers sa patrie, espérant qu’on ne l’y reconnaîtrait plus. Il arriva sur les bords du lac voisin de la ville, à l’endroit où il avait secouru le serpent poursuivi dans les buissons par le villageois qui voulait lui donner la mort.

« Parvenu à cet endroit vers la pointe du jour, alors que quelques étoiles brillaient encore au ciel, il voit le long de la rive venir à sa rencontre une damoiselle vêtue de beaux habits de voyage, et d’aspect noble, bien qu’elle n’eût autour d’elle ni écuyer, ni suivante. Celle-ci l’aborde d’un air gracieux, et lui adresse les paroles suivantes :

" Bien que tu ne me connaisses pas, chevalier, je suis ta parente, et je t’ai grande obligation. Je suis ta parente, car notre haut lignage à tous deux descend du fier Cadmus. Je suis la fée Manto ; c’est moi qui ai posé la première pierre de cette ville, et c’est de mon nom — comme tu l’as sans doute entendu dire — que je l’ai nommée Mantoue.

« Je suis une des Fées ; afin de t’apprendre ce qu’il importe que tu saches, je te dirai que le sort nous fit naître de telle sorte que nous pouvons être affligées de tous les maux, hors la mort. Mais l’immortalité nous est accordée à une condition plus dure que la mort, car, tous