Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/178

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les sept jours, chacune de nous se voit infailliblement changée en couleuvre.

" Se voir toute couverte d’écailles ignobles, et s’en aller en rampant, est chose si douloureuse, qu’il n’y a pas au monde de peine plus grande. Chacune de nous maudit l’existence. Tu sauras — et je veux t’apprendre en même temps quelle obligation je t’ai — que ce jour-là, à cause de la forme que nous avons, nous sommes exposées à une infinité d’accidents.

" Il n’y a pas d’animal sur la terre plus odieux que le serpent ; et nous, qui en avons la forme, nous subissons les outrages et la poursuite de tout le monde, car quiconque nous aperçoit nous frappe et nous chasse. Si nous ne pouvons trouver un abri sous terre, nous éprouvons ce que pèse le bras des hommes. Mieux vaudrait pouvoir mourir, que de rester broyées et mutilées sous les coups.

" L’obligation que je t’ai est grande ; un jour que tu passais sous ces frais ombrages, tu m’as arrachée aux mains d’un paysan qui m’avait vivement poursuivie. Si tu n’avais pas été là, je ne m’en serais pas allée sans avoir la tête et les reins brisés. J’en serais restée fourbue et difforme, car je ne pouvais pas mourir.

" Les jours où, sous la rude écaille d’un serpent, nous sommes forcées de ramper à terre, le ciel, le reste du temps soumis à nos volontés, refuse de nous obéir, et nous sommes sans force. Le reste du temps, sur un signe seul de nous,