Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/18

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santé, il faisait préparer les noces, car il voulait donner le titre d’épouse et non de maîtresse à une dame si belle et si pudique.

« Tanacre ne pense pas à autre chose, il ne désire rien autre ; il n’a souci, il ne parle que de cela. Comprenant qu’il a cruellement offensé la dame, il avoue sa faute et fait tout son possible pour la racheter. Mais tous ses efforts sont vains ; plus il l’aime, plus il s’efforce de lui plaire, plus elle le prend en haine, plus elle s’affermit dans la volonté de le mettre à mort.

« Mais sa haine ne l’aveugle pas au point qu’elle ne comprenne que, si elle veut exécuter son dessein, il faut qu’elle dissimule et qu’elle cherche des moyens détournés. Elle comprend qu’il lui faut montrer tout le contraire de ce qu’elle pense, et feindre d’avoir oublié son premier amour, et d’accepter celui de Tanacre.

« Elle prend un visage riant, mais son cœur réclame vengeance et ne songe pas à autre chose. Elle roule plusieurs projets en son esprit ; elle rejette les uns, elle combine les autres ; elle hésite sur plusieurs. Enfin elle pense qu’en sacrifiant sa propre vie, elle réussira plus sûrement. Comment et où pourrait-elle trouver une meilleure mort qu’en vengeant son cher mari ?

« Elle se montre joyeuse, et feint de désirer ardemment voir arriver le jour de ces noces. Elle fait en un mot tout ce qu’elle peut pour tromper Tanacre, et cache avec soin ce que son cœur a résolu. Elle se pare et prend soin de sa toilette plus que