Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/187

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teurs. On y voyait à profusion des vases d’or et d’argent ; des pierreries ciselées, couleur d’azur, d’émèraude ou de rubis, façonnées en forme de grands plats, de coupes ou de bassins ; et, en quantité infinie, des draps d’or et de soie.

« Le juge, comme je vous disais, vint donner droit sur ce palais, alors qu’il croyait arriver dans une campagne déserte, dans un bois solitaire. Il en fut tellement émerveillé, qu’il crut un instant avoir perdu l’esprit. Il ne savait s’il était ivre, s’il rêvait, ou si son cerveau s’envolait.

« Il aperçoit devant la porte un Éthiopien au nez et aux lèvres épatés ; jamais, à son avis, il n’a vu visage si laid et si disgracieux. Cette ignoble figure, ressemblant au portrait qu’on fait d’Ésope, serait capable d’attrister tout le paradis si elle s’y trouvait. Quand j’aurai ajouté que ce personnage était crasseux comme un porc, qu’il était vêtu comme un mendiant, je n’aurai pas dépeint la moitié de sa laideur.

« Anselme, qui ne voit pas d’autre que lui pour savoir à qui est ce château, s’approche et l’interroge. L’Éthiopien lui répond : " Cette demeure est à moi. " Le juge est persuadé que cet homme se moque de lui et lui fait une mauvaise plaisanterie. Mais le nègre lui affirme par serment que cette demeuré est bien à lui, et que personne autre n’a rien à y faire.

« Il lui offre même, s’il veut la voir, d’y entrer, et de la parcourir à sa fantaisie, et, s’il y trouve quelque chose qui lui plaise, soit pour lui, soit