Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

honte à Anselme, l’assourdit de ses cris, disant : "Comment faudra-t-il te punir de ce que je viens de te voir faire avec un homme si vil, alors que tu as voulu rne tuer parce que j’ai obéi à la loi de nature, vaincue par les prières de mon amant, noble et beau, et qui m’avait fait un présent en comparaison duquel ce château n’est rien ?

"Si je t’ai paru mériter la mort, avoue que tu es digne de mourir cent fois. Bien que je sois toute-puissante en ce lieu, et que je puisse disposer de toi à mon gré, cependant je ne veux pas tirer une plus forte vengeance de ton crime. Mari, pèse le doit et l’avoir, et fais comme je fais à ton égard, pardonne-moi.

"Et que la paix et l’accord soient conclus entre nous, de telle sorte que tout le passé s’en aille en oubli, et que jamais une parole, un geste, ne nous rappellent notre faute à l’un ou à l’autre." Le mari, content de s’en tirer à si bon compte, ne se montra pas en reste pour pardonner. Ils firent donc la paix et, depuis, ils ne cessèrent de se chérir. »

Ainsi dit le marin, et la fin de son histoire fit quelque peu rire Renaud, bien qu’une rougeur de feu lui vînt au visage en entendant raconter l’action honteuse du docteur. Renaud loua beaucoup Argia d’avoir été assez avisée pour tendre à cet oiseau un piège qui le fît tomber dans le même filet où elle était tombée elle-même, mais avec moins de raison d’excuse.