Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/192

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écuyers partirent pour la cité détruite de Biserte, dans les ruines de laquelle ils déposèrent les os de Gradasse et d’Agramant, et où ils apportèrent la nouvelle de l’issue du combat.

Astolphe et Sansonnet se réjouirent beaucoup de la victoire de Roland, mais ils se seraient réjouis bien davantage, si Brandimart n’avait pas perdu la vie. Leur joie fut fort amoindrie par la nouvelle de sa mort, et il leur fut impossible de ne pas laisser voir leur trouble sur leur visage. Qui d’entre eux irait maintenant annoncer une telle catastrophe à Fleur-de-Lys ?

La nuit précédente, Fleur-de-Lys avait rêvé qu’elle voyait la soubreveste qu’elle avait brodée de sa main, pour que Brandimart partît richement vêtu, toute déchirée et couverte d’une pluie de gouttes de sang. Il lui semblait que c’était elle qui avait ainsi brodé cette soubreveste, et elle se le reprochait.

Elle se disait dans son rêve : « Il me semblait cependant que mon seigneur m’avait priée de lui faire cette soubreveste entièrement noire. Pourquoi donc l’ai-je brodée, contre son désir, d’une si étrange façon ? » Elle avait tiré de ce songe un fâcheux présage. La nouvelle arriva le même soir, mais Astolphe la tint cachée jusqu’à ce qu’il pût aller trouver Fleur-de-Lys, accompagné de Sansonnet.

Dès qu’ils entrèrent, et qu’elle vit leur visage si triste, elle n’eut pas besoin d’autre indice, d’autre avis pour comprendre que son cher Brandi-