Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/205

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que l’apparence extérieure de l’amitié ; leurs cœurs, leurs âmes ne battent pas à l’unisson. Peu leur importe d’avoir tort ou raison ; ils ne considèrent uniquement que leur intérêt.

Cependant, bien qu’ils soient peu capables d’amitié, habitués qu’ils sont à tout traiter avec dissimulation, les choses graves aussi bien que les choses légères, si la forlume acerbe et félonne les a par hasard rassemblés dans un lieu modeste, ils éprouvent en peu de temps les bienfaits de l’amitié, ce qui ne leur était jamais arrivé pendant de longues années.

Le saint vieillard eut bien moins de peine à enserrer d’un nœud d’amitié solide les hôtes de sa pauvre demeure, que s’ils eussent été à la cour d’un roi. Le lien dont il les unit fut tellement fort, qu’il ne se brisa qu’à leur mort. Le vieillard les trouva tous bons, et put comparer la blancheur de leur âme à la blancheur extérieure des cygnes.

Il les trouva tous affables et courtois, et fort éloignés de ce vice, dont je viens de vous parler, habituel à ceux qui ne disent jamais leur pensée véritable, mais vont toujours dissimulant. Le souvenir de toutes les offenses qu’ils avaient pu se faire jusque-là les uns les autres fut effacé entre eux, et ils auraient eu la même mère, qu’ils n’auraient pu s’aimer tous davantage.

Par-dessus tous les autres, le seigneur de Montauban était celui qui comblait le plus Roger de louanges et de caresses. Non seulement il avait déjà éprouvé les armes à la main sa force et sa