Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/206

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vaillance, mais il le trouvait affable et bon plus que chevalier qui fût au monde. Il n’ignorait pas surtout qu’il lui avait de grandes obligations.

Il savait qu’il avait délivré d’un grave péril Richardet surpris la nuit par le roi d’Espagne dans le lit de sa fille ; il savait aussi, comme je vous l’ai déjà raconté, qu’il avait tiré les deux fils du duc de Beuves des mains des Sarrasins et des malandrins aux ordres du Mayençais Bertolas.

Cette dette lui faisait un devoir de l’aimer et de l’honorer, et il avait un vrai chagrin de ne pas avoir pu le faire déjà quand ils étaient l’un à la cour du roi d’Afrique, l’autre au service du roi Charles. Maintenant qu’il l’a retrouvé, et qu’il est devenu chrétien, Renaud est heureux de faire ce qu’il n’a pu faire encore.

Le paladin courtois combla Roger d’offres et de caresses. L’ermite avisé saisit avec empressement l’occasion de cette affection naissante ; il leur dit : « Il reste encore quelque chose à faire entre vous, et j’espère l’obtenir sans difficulté, maintenant que vous êtes amis. Les liens doivent encore se resserrer entre vous,

« Afin que de deux races illustres, et qui n’ont pas leur égale dans le monde, naisse une lignée qui jette encore plus d’éclat que le soleil quand il poursuit son cours, et qui, brillant toujours d’un lustre de plus en plus vif, durera — selon ce que Dieu, qui ne veut rien vous celer, me le dévoile — tant que les cieux rouleront dans leur orbite habituel. »