Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/21

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Drusille ; soudain celle-ci, changeant de manières, le repousse et lui fait défense d’approcher. Ses yeux et son visage semblent lancer des flammes. D’une voix terrible, égarée, elle lui crie : « Traître, loin de moi !

« Tu aurais de moi joie et soulagement, toi la cause de mes larmes, de mes tourments, de mes malheurs ! Non ; tu vas mourir sur l’heure, de ma main. Apprends, si tu l’ignores, que c’est du poison que tu as bu. Je n’ai qu’un regret, c’est que la mort soit trop douce, trop facile pour un bourreau tel que toi ; car je ne connais pas de peine assez infâme pour égaler ton crime.

« Mon seul regret, c’est de ne pas pouvoir, en me sacrifiant, t’infliger la mort que tu mérites. Si je l’avais pu, comme c’était mon désir, je mourrais contente. De cela, je demande pardon à mon époux ; mais il connaît ma bonne volonté, et il acceptera que je t’aie fait mourir comme j’ai pu, n’ayant pu le faire comme je l’aurais voulu.

« Quant au châtiment que je ne puis t’infliger ici-bas, selon mon désir, j’espère que je verrai ton âme le subir dans l’autre monde, où je te suivrai pour en être témoin. » Puis, levant, d’un air joyeux, ses yeux déjà voilés vers le ciel : « Accepte, Olindre, cette victime que le bon vouloir de ta femme offre à ta vengeance.

« Et prie pour moi le Seigneur, afin qu’il m’admette en ce jour avec toi dans le paradis. S’il te dit qu’une âme a besoin de mérites pour entrer