Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/220

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lité ; vous n’avez pas besoin de faire creuser un fossé, ni de faire élever des tours, pour être sûr que personne ne viendra vous l’enlever.

« Sans que vous ayez à payer des gardiens pour la défendre, elle résistera à tous les assauts. Il n’y a pas de richesse capable de la faire capituler, et un cœur noble ne s’achète pas à vil prix. Je ne connais pas de couronne royale sur laquelle je voulusse seulement abaisser mes yeux, ni de beauté assez puissante sur mon âme, pour me plaire plus que la vôtre.

« Vous n’avez pas à craindre que mon cœur.puisse recevoir une nouvelle image. La vôtre y est si profondément gravée, qu’elle ne peut en être effacée. Je n’ai pas un cœur de cire, et j’en ai donné la preuve. Amour peut le frapper cent fois pour une, avant d’en enlever une parcelle, alors que votre image y est peinte.

« L’ivoire, les pierreries et les pierres qui résistent le mieux à la taille peuvent être brisés, mais ne peuvent recevoir une autre forme que celle qu’ils ont primitivement reçue. Mon cœur est aussi résistant que le marbre, et le fer ne peut l’entamer. Amour le briserait plutôt que d’y graver d’autre image que la vôtre. »

Elle ajoutait à ces douces protestations d’autres paroles pleines d’amour, d’assurances de fidélité, et de nature à le réconforter et à le rendre mille fois à la vie s’il l’eût perdue mille fois. Mais au moment où ses espérances semblaient devoir toucher au port, elles furent ressaisies par une nouvelle