Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/222

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pas à s’en répandre, et parvient le jour même aux oreilles de Béatrix et du vieux Aymon.

Tous deux sont saisis d’une grande indignation, d’une grande colère contre leur fille ; ils voient bien, par cette demande, qu’elle songe plus à Roger qu’à Léon. Aussi, pour l’empêcher de mettre son projet à exécution, ils usèrent de ruse pour l’entraîner loin de la cour, et la conduisirent avec eux à Rochefort.

C’était une forteresse que Charles avait donnée quelques jours auparavant au duc Aymon, et située entre Perpignan et Carcassonne, sur un point important du littoral. Là, ils la retinrent prisonnière, dans l’intention de l’envoyer au bout de quelque temps dans le Levant. De cette façon, qu’elle le voulût ou non, elle serait forcée de renoncer à Roger et de prendre Léon.

La vaillante dame, qui n’était pas moins modeste que forte et courageuse, bien qu’il n’y eût pas de gardes autour d’elle pour l’empêcher de franchir les portes du castel, se tenait soumise aux ordres de son père. Mais elle était fermement résolue à souffrir la prison et la mort, à supporter toutes les tortures, plutôt que de renoncer à Roger.

Renaud, qui voit que sa sœur lui a été enlevée des mains par ruse, et qui comprend qu’il ne pourra plus disposer d’elle, et que c’est en vain qu’il aura engagé sa promesse à Roger, se plaint à son père, et lui adresse de vifs reproches, oubliant jusqu’au respect filial. Mais Aymon se soucie peu de ses paroles, et veut disposer de sa fille selon sa volonté.