Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/223

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Roger, informé de tout cela, craint de perdre sa dame, et de la voir tomber, par force ou autrement, au pouvoir de Léon, si ce dernier reste plus longtemps vivant. Sans en parler à personne, il prend la résolution de le faire périr, et d’Auguste qu’il est déjà, de le rendre Divin. Si rien ne vient tromper son espoir, il compte enlever, à son père et à lui, la vie et le trône tout ensemble.

Il se revêt des armes qui ont appartenu jadis au Troyen Hector, et tout récemment à Mandricard. Il fait mettre la selle au brave Frontin, et change lui-même de cimier, d’écu et de soubreveste. Il répugne à prendre, pour tenter cette entreprise, l’aigle blanche sur fond d’azur. Il fait mettre sur son écu une licorne, blanche comme lys, sur champ de gueule.

Parmi ses écuyers, il choisit le plus fidèle, et ne veut pas permettre que d’autres l’accompagnent. Il lui fait jurer de ne jamais révéler à qui que ce soit qu’il est Roger. Il passe la Meuse et le Rhin, franchit l’Autriche et la Hongrie, et chevauche le long de la rive droite du Danube, jusqu’à ce qu’il soit arrivé à Belgrade.

Il descend le fleuve jusqu’à l’endroit où la Sarre vient s’y jeter pour se précipiter avec lui dans la mer. Là, il aperçoit de nombreuses troupes campées sous des tentes où flotte l’étendard impérial. C’est l’armée de Constantin qui veut reprendre Belgrade que les Bulgares lui ont enlevée. Constantin commande en personne ; il a près de lui son fils, et la plus grande partie des forces de l’empire grec.