Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/227

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le bat et le repousse loin d’elle, ne va pas demander appui à sa sœur ni à son père, mais revient à sa mère et l’embrasse doucement, ainsi Léon, bien que Roger lui ait anéanti ses premiers escadrons, et menace d’anéantir les autres, ne peut le haïr, car la haute vaillance du chevalier l’invite bien plus à l’aimer que ses funestes exploits ne le portent à le haïr.

Mais si Léon admire Roger et se sent porté à l’aimer, il ne me paraît pas qu’il soit payé de retour, car Roger le hait et ne désire qu’une chose, lui donner la mort de sa main. Il le cherche longtemps des yeux, et demande à chacun de le lui montrer ; mais le Grec, en-homme avisé et prudent, ne se hasarde pas à l’affronter.

Léon, pour ne pas laisser périr complètement ses gens, fait sonner la retraite ; il envoie un message à l’empereur pour le prier de faire repasser le fleuve, alors que la retraite n’est pas encore coupée. Lui-même, avec tous ceux qu’il peut rassembler, se hâte de regagner le pont sur lequel il était passé.

De nombreux prisonniers restèrent au pouvoir des Bulgares, sans compter les morts qui couvraient la colline jusqu’au fleuve. L’armée des Grecs y serait restée tout entière, si le fleuve n’avait servi à protéger leur retraite. Un grand nombre tombèrent de dessus les ponts, et se noyèrent ; beaucoup, sans retourner la tête, s’en allèrent jusqu’à ce qu’ils eurent trouvé le gué. Beaucoup furent conduits prisonniers à Belgrade.