Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/228

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Ainsi finit la bataille de ce jour, dès le commencement de laquelle les Bulgares, après la perte de leur chef, auraient éprouvé une honteuse défaite, si le guerrier à la licorne blanche peinte sur son écu n’avait vaincu pour eux. Tous se précipitent sur ses pas ; tous reconnaissent qu’ils lui doivent la victoire, et ils lui font joveuse fête.

L’un le salue, l’autre se prosterne devant lui ; celui-ci lui baise la main, celui-là lui baise le pied. Chacun cherche à se rapprocher le plus possible de lui, et s’estime heureux de le voir de près et de le toucher, car il leur semble voir et toucher un être divin et surnaturel. Tous le prient, avec des cris qui montent jusqu’au ciel, d’être leur roi, leur capitaine, leur chef.

Roger leur répond de choisir pour leur capitaine et pour leur roi celui d’entre eux qui leur conviendra le mieux ; quant à lui il ne veut ni bâton de commandement ni sceptre ; il ne veut pas.non plus entrer dans Belgrade. Ce qu’il veut, c’est poursuivre Léon Auguste, avant qu’il se soit éloigné davantage, et qu’il ait repassé le gué. Il ne veut point perdre sa trace, qu’il ne l’ait rejoint et mis à mort.

Il est venu de plus de mille milles pour cela seul, et non pour autre chose. Après leur avoir dit cela, il quitte l’armée, et prend sans retard le chemin par lequel Léon cherche à regagner le pont, dans la crainte que le passage ne lui soit intercepté. Roger marche sur ses traces avec une telle rapidité, qu’il part sans prévenir et sans attendre son écuyer.