Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/234

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et subjuguer tout le pays des Bulgares, il forme aussi le projet de gagner l’amitié du guerrier étranger et de l’attacher à son service. Une fois qu’il l’aura pour compagnon d’armes, il n’enviera ni Renaud ni Roland à Charlemagne.

Mais Théodora est bien loin d’approuver les mêmes sentiments. Roger a tué son fils en lui plongeant, sous la mamelle, sa lance qui est ressortie d’une palme derrière l’épaule. Elle se jette aux pieds de Constantin, dont elle est la sœur, et par les larmes abondantes qui coulent sur son sein, elle cherche à l’attendrir et à gagner son cœur à. la pitié.

« Seigneur — lui dit-elle — je ne me lèverai point que tu ne m’aies accordé de me venger du félon qui a tué mon fils, maintenant que nous le tenons prisonnier. Outre que mon fils était ton neveu, tu sais combien il t’aimait, et quelles actions d’éclat il avait accomplies pour toi. Ne serais-tu pas coupable de ne point tirer vengeance de son meurtrier ?

« Prenant notre deuil en pitié, Dieu a permis que ce cruel quittât les champs et vînt, comme un oiseau, se prendre au vol dans nos filets, afin que, sur la rive du Styx, mon fils ne reste pas plus longtemps sans vengeance. Donne-moi ce prisonnier, seigneur, et permets que j’apaise ma douleur par son supplice. »

Ainsi elle pleure, ainsi elle se lamente, ainsi elle supplie. Et, bien que Constantin ait voulu à plusieurs reprises la relever, elle ne veut point