Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/245

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Il est bien assuré de mourir, car, s’il lui faut renoncer à sa dame, il doit renoncer aussi à la vie. D’un autre côté, la douleur et l’angoisse lui viendront en aide pour mourir, et si la douleur et l’angoisse ne sont pas suffisantes, il s’ouvrira la poitrine de ses propres mains et s’en arrachera le cœur. Tout lui semble facile, excepté de voir sa dame n’être pas à lui.

Il est résolu à mourir, mais il ne sait pas encore quel genre de mort il choisira. Il songe parfois à dissimuler sa force, et à présenter sa poitrine nue aux coups de la damoiselle ; pourrait-il trouver mort plus heureuse, que celle qu’il recevrait de cette main ? Mais il comprend que s’il ne fait pas tout ce qu’il pourra pour qu’elle devienne la femme de Léon, il n’aura point payé sa dette de reconnaissance.

Car il a promis d’entrer en champ clos, et de s’y battre contre Bradamante, mais non pas d’une manière feinte et seulement pour la forme, ce qui ferait paraître Léon inférieur à son adversaire. Il tiendra donc ce qu’il a promis ; et bien que toutes sortes de pensées viennent l’assaillir, il les repousse toutes, et ne veut s’arrêter qu’à une seule, celle qui l’invite à ne point manquer à la foi jurée.

Léon, avec l’autorisation de son père, avait déjà fait préparer ses armes, ses chevaux, et était parti, emmenant avec lui une suite selon son rang. Il avait à côté de lui Roger auquel il avait fait rendre ses armes et Frontin. De journée en journée, ils marchèrent si bien, qu’ils arrivèrent en France, sous les murs de Paris.