Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/248

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montrait avec ostentation, l’autre se dissimulait avec mille précautions.

Les dispositions de Bradamante étaient bien différentes de celles de Roger ; si ce dernier avait pris la peine de frapper sur le tranchant de son épée afin de la rendre moins dangereuse, la dame au contraire avait aiguisé la sienne et n’avait qu’un désir, celui de la plonger dans le sein de son adversaire, et de lui arracher la vie. Elle aurait voulu que chaque coup de taille ou de pointe pût pénétrer jusqu’au cœur.

De même qu’en deçà de la barrière, le cheval sauvage et plein de feu, qui attend le signal du départ, ne peut se tenir tranquille sur ses pieds, gonfle les narines et dresse les oreilles, ainsi l’impatiente dame qui ignore qu’elle va combattre contre Roger, attend le signal de la trompette ; elle sembk avoir du feu dans les veines, et ne peut rester en place.

Souvent, après un coup de tonnerre, un vent violent s’élève soudain, soulevant les vagues de la mer et faisant voler jusqu’au ciel des tourbillons de poussière ; on voit alors fuir les bêtes féroces, les pasteurs et leurs troupeaux, tandis que les nuées se résolvent en grêle et en pluie. Ainsi la damoiselle, à peine a-t-elle entendu le signal, saisit son épée et se précipite sur son Roger.

Mais le chêne antique ou les épaisses murailles d’une tour, ne cèdent pas davantage sous les efforts de Borée ; l’écueil impassible n’est pas plus ébranlé par la mer en courroux dont les vagues l’assail-