Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/265

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plus mettre de retard à parcourir le peu de chemin que j’ai encore à faire, maintenant que le vent m’est propice. Revenons à Mélisse, et disons comment elle s’y prit pour sauver la vie au brave Roger.

Mélisse, comme je crois vous l’avoir dit souvent, avait le plus grand désir de voir Bradamante s’unir à Roger dans les liens étroits du mariage. Elle prenait tellement à cœur ce qui pouvait arriver de bon ou de mauvais à l’un et à l’autre, qu’elle ne les perdait pas une heure de vue. C’est dans ce but qu’elle entretenait sans cesse de nombreux esprits sur tous les chemins, en en faisant partir un dès qu’un autre était revenu.

C’est ainsi qu’elle vit Roger dans un bois obscur, en proie à une douleur forte et tenace, et fermement résolu à se laisser mourir de faim. Mais voici qu’aussitôt Mélisse lui vient en aide. Quittant sa demeure, elle prit le chemin par où Léon s’avançait.

Celui-ci, après avoir envoyé l’un après l’autre tous ses gens, afin de fouiller les environs, était parti en personne à la recherche du guerrier de la Licorne. La sage enchanteresse, montée sur un esprit auquel elle avait donné la forme d’une haquenée, vint à la rencontre du fils de Constantin.

« Seigneur — lui dit-elle — si la noblesse de votre âme répond à celle de votre visage, si votre courtoisie et votre bonté sont telles que l’indique votre physionomie, venez en aide au meilleur chevalier de notre temps. Si vous ne vous hâtez de le