Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/273

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tenant par la main Roger, sur lequel tous les regards étaient fixés, il s’exprima ainsi :

« Celui-ci est le brave chevalier qui s’est défendu depuis le lever de l’aurore jusqu’à la chute du jour. Puisque Bradamante n’a pu le mettre à mort, le faire prisonnier, ou lui faire abandonner la place, je crois, magnanime seigneur, si j’ai bien compris votre ban, qu’il l’a gagnée pour femme. Aussi vient-il pour qu’on la lui donne.

« Outre que les termes du ban sont précis, aucun autre guerrier ne saurait lui disputer Bradamante. Si elle doit être le prix de la vaillance, quel chevalier est plus digne d’elle que lui ? Si elle doit appartenir à celui qui a le plus d’amour pour elle, il n’est personne qui l’aime plus ardemment. Il est, du reste, prêt à soutenir ses raisons par les armes, contre quiconque les contredira. »

Charles, ainsi que toute la cour, resta stupéfait en entendant ces paroles. Tout le monde avait cru que c’était Léon, et non pas ce chevalier inconnu, qui avait combattu contre Bradamante. Marphise, qui était au nombre des assistants, et qui avait eu grand’peine à se taire jusqu’à ce que Léon eût fini de parler, s’avança soudain, et dit :

« Quoique Roger ne soit pas ici pour disputer sa femme à ce nouveau venu, celle-ci n’en sera pas moins défendue, et on ne l’aura point sans tapage. Moi, qui suis sa sœur, je me charge de répondre à quiconque prétendra avoir des droits sur Bradamante, ou qui niera que Roger ait des droits antérieurs sur elle. »