Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/287

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Bradamante et Marphise lui avaient lacé sa cuirasse et ses autres armes. Astolphe lui tient son destrier et le fils d’Ogier le Danois lui présente l’étrier. Renaud, Naymes, et le marquis Olivier lui font faire place, et font évacuer en toute hâte la lice toujours prête pour pareille besogne.

Les dames et damoiselles, toutes pâles d’effroi, tremblent comme des colombes surprises dans un champ de blé par l’orage, et que la rage des vents chasse vers leur nid, au milieu du fracas du tonnerre ; des éclairs qui sillonnent la nue obscure, à travers la grêle et la pluie qui portent le ravage dans les campagnes. Elles tremblent pour Roger, qui ne leur semble pas de force à lutter avec le fier païen.

La foule et la plupart des chevaliers et des barons partageaient la même crainte ; on n’avait pas oublié ce que le païen avait fait dans Paris assiégé ; on se souvenait qu’à lui seul il avait détruit une grande partie de la ville par le fer et par le feu. Les traces de son passage existaient encore et devaient exister longtemps ; jamais le royaume n’avait subi plus cruel désastre.

Plus que tous les autres, Bradamante se sentait le cœur troublé ; elle ne croyait pas, il est vrai, que le Sarrasin eût plus de force que Roger, et surtout plus de vaillance, car c’est du cœur seul que vient le courage. Elle ne croyait pas au bon droit de Rodomont. Cependant, en digne amante qu’elle était, elle ne pouvait bannir ses craintes.

Oh ! combien volontiers elle aurait voulu courir