Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/60

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sur Agramant, que, sans plus réfléchir, il se précipite en avant.

Croyant avoir avec lui le roi d’Alger, il se soucie peu d’observer le pacte. Il n’aurait pas fait autant de cas de l’arrivée à son camp de mille chevaliers. En un instant, on voit de tous côtés s’abaisser les lances et éperonner les destriers. Quant à Mélisse, après avoir engagé la bataille par sa feinte apparition, elle disparaît subitement.

Les deux champions qui voient la foule envahir l’arène, contre tout accord, contre toute promesse, cessent de se combattre, et suspendent leur querelle ; ils se jurent mutuellement de ne prendre parti ni d’un côté, ni de l’autre, jusqu’à ce que l’on sache formellement par qui le pacte a été rompu, si c’est par le vieux Charles ou par le jeune Agramant.

Tous deux renouvellent le serment d’avoir pour ennemi celui qui aura manqué à sa foi. Cependant les guerriers des deux camps s’agitent en tumulte ; l’un se porte en avant, l’autre lâche pied ; les uns se conduisent en lâches, les autres se signalent parmi les plus vaillants. Tous montrent le même empressement à courir, mais les uns courent en avant, tandis que les autres vont en arrière.

De même que le lévrier qui voit le gibier fuir devant lui, sans qu’il puisse se joindre à la troupe des chiens, étant retenu par le chasseur, et qui se consume de rage, se tourmente, se plaint, se désespère, aboie vainement, se débat et tire sur sa laisse,