Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/59

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Le combat paraît par trop inégal à la plupart des seigneurs païens. Roger met trop de mollesse dans l’attaque, tandis que le jeune Renaud le presse trop vivement. Le roi des Africains contemple l’assaut d’un air fâché. Il soupire, murmure, et accuse Sobrin de l’avoir induit en erreur, et de lui avoir donné un mauvais conseil.

Cependant Mélisse, vrai puits de science en fait d’enchantements ou de magie, avait quitté sa figure de femme pour prendre celle du grand roi d’Alger. Elle ressemblait à Rodomonl de geste et de visage ; elle était couverte de la peau du dragon ; elle portait l’écu et l’épée semblables aux armes dont il se servait d’habitude ; rien ne manquait à la ressemblance.

Elle dirigea le démon auquel elle avait donné la forme d’un cheval, vers le fils du roi Trojan qui se tenait tout soucieux. D’une voix forte et d’un air courroucé, elle lui dit : « Seigneur, c’est en vérité une faute trop grande que d’avoir envoyé un jouvenceau inexpérimenté combattre contre un chevalier français si fort et si fameux, alors qu’il s’agit du sort et de l’honneur de l’Afrique.

« Ne laisse pas continuer plus longtemps ce combat qui tournerait trop à notre détriment. Rodomont est avec toi ; ne crains donc pas qu’il te mésarrive d’avoir rompu ton pacte et ton serment. Que chacun fasse voir comment taille son épée. Puisque je suis des vôtres, chacun de vous en vaut cent. » Ces paroles font une telle impression