Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/92

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« Par amitié pour toi, j’entreprendrai de lutter en combat singulier avec le comte. Fût-il de fer et de bronze, je sais qu’il ne pourra me résister. Lui mort, l’Église chrétienne sera comme l’agneau devant le loup affamé. Nous verrons ensuite, et ce me sera chose facile, à chasser promptement les Nubiens d’Afrique.

« Je m’arrangerai de façon que les autres Nubiens, séparés de ceux-ci par le Nil et qui obéissent à d’autres lois, les Arabes, les Macrobes, nation populeuse et riche, les Perses et les Chaldéens, qui possèdent d’immenses troupeaux, ainsi que beaucoup d’autres peuples qui reconnaissent ma suzeraineté, fassent une telle guerre aux Nubiens sur leurs propres terres, que ces derniers ne resteront pas sur ton territoire. »

Le roi Agramant se montra fort sensible à la seconde proposition du roi Gradasse, et rendit grâce à la Fortune qui l’avait poussé dans cette île déserte. Mais il ne voulut en aucune façon consentir à ce que Gradasse combattît pour lui, quand bien même il serait sûr de reconquérir Biserte par ce moyen. Il lui semblait que ce serait trop se déshonorer.

« S’il faut défier Roland – répondit-il – c’est à moi qu’il appartient de combattre ; et je le ferai sans retard. Puis, que Dieu dispose de moi, comme il lui plaira. » « Faisons mieux – dit Gradasse – il me vient une autre idée : battons-nous tous deux contre Roland, auquel se joindra un autre chevalier. »