Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/91

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y consentit, et l’on put éviter tout péril en descendant sur cette île placée,pour le salut des marins, entre l’Afrique et la haute fournaise de Vulcain.

L’île est inhabitée. Elle est couverte d’humbles myrtes et de genévriers qui servent de retraite sûre et agréable aux cerfs, aux daims, aux chevreuils et aux lièvres. Elle est peu connue, hormis des pêcheurs qui viennent souvent suspendre leurs filets humides aux buissons rabougris, pour les faire sécher, pendant que les poissons dorment tranquilles au fond de la mer.

Là se trouvait déjà un autre navire, chassé aussi par la tempête. Il venait d’Arles, et portait le grand guerrier qui régnait sur la Séricane. Les deux rois se firent un accueil digne d’eux ; après avoir échangé leurs révérences, ils s’embrassèrent tendrement, car ils étaient amis, et ils avaient été naguère compagnons d’armes sous les murs de Paris.

Gradasse apprit avec un vif déplaisir les malheurs du roi Agramant. Puis, en roi courtois, il lui offrit l’aide de sa propre personne. Mais il le dissuada d’aller en Égypte, demander aide à cette nation perfide : « — L’exemple de Pompée — lui dit-il — devrait avertir tous les princes fugitifs du danger qu’ils y courent.

« Tu m’as dit que c’est avec l’aide des Éthiopiens, sujets de Sénapes, qu’Astolphe a envahi l’Afrique, et qu’il a brûlé sa capitale ; tu m’as dit qu’il a avec lui Roland, qui a depuis peu recouvré sa raison. Le meilleur moyen de remédier à tout cela et de te tirer d’ennui me paraît être le suivant :