Aller au contenu

Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

131
L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

ture inattendue, que tu supporteras héroïquement parce que tu veux briller à ses yeux et que c’est lui qui te l’impose.

— Aimez-vous le caviar, mademoiselle ? dira-t-il.

— Je l’adore, répondras-tu, bien que tu n’en aies jamais entendu parler.

À ta grande surprise, il te fera passer un sandwich garni d’une confiture noirâtre. Tu y goûteras d’un air détaché et auras peine à ne pas le rejeter aussitôt. Mais, outre que tu as affirmé adorer le caviar, un sourd instinct t’avertira qu’il est distingué de persister dans cette adoration et tu mangeras jusqu’au bout le sandwich.

Cette surprise te rendra plus réservée quand il faudra te prononcer sur le choix du dry ou de l’extra-dry, et tu répondras modestement, sans oser répéter ces noms inconnus, que tu n’as pas de préférence. Tu seras d’ailleurs vite rassurée quand tu verras une simple coupe de champagne tendue par le maître d’hôtel.

Le champagne au bal ajoute grandement à la beauté de la vie. À la seconde coupe que tu boiras, tu penseras avec mépris à ton appartement, à tes petites joies journalières, à tes robes modestes, et seule la toque de fourrure apparaîtra comme un point lumineux dans le passé.