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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/152

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L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

n’avançait pas même vers mon pied un pied provocateur. Il ne bougeait pas.

« La chaleur redoublait. Le train, aux tournants brusques de cette mauvaise voie ferrée, faisait retentir un bruit de ferraille. J’entendis des cris d’hirondelles qui passaient en troupe au travers des fils télégraphiques. De temps en temps, des groupes de saules tordus défilaient à la portière. J’étais balancée, bousculée par les cahots du train. Je fermai les paupières à demi pour regarder mon compagnon.

« Ses yeux étaient toujours obstinément fixés sur moi. Cela m’agaça, m’irrita. Je tournai brusquement la tête avec une impatience visible. J’avais envie d’élever la voix et de le traiter d’insolent en lui intimant l’ordre de regarder ailleurs.

« Pourtant, par un étrange mystère, cette pensée s’effaça en moi. Guidé par une sorte de magnétisme que je ne pus m’expliquer, mon regard revint régulièrement vers le sien et s’y mêla, une seconde d’abord, puis plus longtemps, puis plus longtemps encore.

« Nous restâmes enfin face à face, mes yeux dans les siens, tout comme si nous avions été des amants.

« J’étais engourdie et je sentais en moi une