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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/192

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L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

« — Comme il fait froid ! Ne trouvez-vous pas, monsieur Henri ?

« Et elle a étendu son plaid sur ses genoux avec assez d’habileté pour qu’il cache aussi Henri. Je suis sûre que cette effrontée lui a pris la main et la lui a pressée tendrement. J’avais envie d’arracher brusquement le plaid et de les confondre. J’ai préféré m’enfermer dans un mutisme dédaigneux.

« Mercredi soir, 11 heures. Plus je pense à ce qui vient d’arriver, plus je souffre. Je viens de m’approcher de la glace, tout près, et j’ai regardé ma peau avec une attention cruelle.

« Il n’y a pas de changement notable depuis un an, deux ans. Mais il y a dix ans, ma peau était certainement différente. Ma femme de chambre, ma masseuse, mon mari, tout le monde s’exclamait chaque jour sur sa finesse et son éclat. À présent, personne ne m’en parle.

« Au coin de l’œil, il y a de toutes petites rides que je n’avais jamais remarquées comme ce soir. Sur une dent, à droite, au fond, il y a un léger noircissement. Ce noircissement est absolument invisible pour les autres. Mais je l’ai découvert, moi je le sens, il me brûle, il me diminue.

« Est-ce là ce qu’on appelle vieillir ?