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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/222

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L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

Sous les arbres des promenades, Adolphe réfléchissait au but véritable de l’existence. Plusieurs motifs d’agir se présentaient à ses yeux. L’idéal était-il de présider des cérémonies, de remettre des décorations, de marcher dans la rue en affectant de ne pas voir les petits fonctionnaires qui vous saluent, d’être important et honoré, comme l’inspecteur d’académie, le préfet ou le député ? Valait-il mieux, au contraire, avoir des cheveux longs sur les épaules et la sagesse dans le cœur comme le professeur de philosophie qui ne se fâchait jamais et ne demandait pas d’avancement ?

Un soir d’été, Adolphe, accoudé à la fenêtre du dortoir, aperçut en face de lui, dans le cadre des pierres grises d’un vieil hôtel, une jeune fille de quatorze ans. Son œil bleu, la tresse de ses cheveux et une petite moue qui ressemblait à un sourire, lui apprirent merveilleusement, comme par une révélation, que les femmes, leur grâce, leur coquetterie, leur amour, étaient ce qu’il y avait de plus désirable sur la terre, le vrai but de la vie.

Il connut un bonheur nouveau. Un jour, la jeune fille éclatait de rire, un autre jour elle faisait semblant de ne pas l’apercevoir, un autre jour, encore, elle le regardait bien en face, un autre jour, elle disparut.