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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/227

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L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

viction qui le soutenait. Serré dans sa redingote, très droit, il supportait la mauvaise nourriture, un logis misérable, les injures de la vie, à cause de la possibilité d’un beau hasard qui le ferait aimer pour lui-même, pour son mérite propre d’amoureux, par une femme telle qu’il l’imaginait.

Il crut enfin, un jour, que son rêve allait se réaliser.

Il croisa, par un crépuscule de juin, sur l’avenue du Bois, une femme dont le regard le bouleversa. Ce regard bleu et fier de femme distinguée s’était posé un instant sur lui et l’avait considéré avec sympathie.

Il revint le lendemain, à la même heure, et les jours suivants, et il croisa encore une fois la même femme, et il vit le même regard s’arrêter sur lui mais le même regard plus bleu, plus doux et plus grand.

Or ce regard ressemblait d’une manière merveilleuse — il le pensait, du moins — à celui de la petite jeune fille qu’il voyait à la fenêtre d’un vieil hôtel et qu’il avait aimée, jadis, dans une ville de province.

Un torrent d’amour rajeunit son cœur sali par des affections vulgaires. Il acheta un col, peignit avec de l’encre les endroits blanchis de sa redingote,