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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/229

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L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

Le petit télégraphiste était passé, et Adolphe eut la sensation qu’il était arrêté derrière lui et l’observait.

Mais alors il se passa une chose extraordinaire. La dame se retourna et s’avança vers Adolphe. Ses yeux charmants étaient fixés sur lui avec une bonté infinie. Adolphe, en une seconde, vit tous les détails de sa toilette, compta les fleurs de son chapeau, remarqua la boucle de sa ceinture, les volants de sa robe. Et sur ses lèvres se pressèrent des confidences, l’histoire de son cœur et de sa vie misérable.

Adolphe entendit la dame murmurer : « Le pauvre homme ! » D’un geste spontané, elle ouvrit sa bourse et mit quelque chose dans sa main, quelque chose dont Adolphe ne reconnut pas de suite la forme. Il regarda et vit une pièce d’or.

Sa seule pensée fut qu’il fallait s’en aller. Sa seule douleur, sur le moment, fut la difficulté qu’il eut à vaincre l’immobilité générale, La dame, le télégraphiste, les passants étaient figés autour de lui ; le monde entier était subitement privé de mouvement. Lui-même ne pouvait bouger.

Il fit un effort suprême et douloureux et se mit à courir. Il courut longtemps au hasard jusqu’à ce qu’il fût brisé de fatigue. La nuit vint. Il chancela