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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/266

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L’AMOUR ET LES POISONS

Je sentis que pendant quelques minutes il me pressait la main que j’avais abandonnée, sans aucune sensualité, avec respect et affection. Ce fut comme si des effluves de tendresse m’enveloppaient.

Odon était tout près de moi. Il ne m’était plus odieux. Je ne songeai pas à le repousser. L’attrait qu’un inconnu exerçait sur moi, je le reportai à mon insu sur lui. Son visage était près du mien. Sa barbe avait disparu et pendant que ses lèvres m’effleuraient, une pipe qu’on fumait à côté nous enveloppa d’un nuage de fumée.

Est-ce la vertu de cette fumée, je ne sais, mais je n’aurais pu dire, quand un rayon du matin glissa par la fenêtre, si ce baiser, dont le souvenir demeura pour moi délicieux, je l’avais reçu d’Odon ou du jeune homme sympathique qui m’avait charmée d’une pression de main.

Je ne devais plus jamais revoir ce dernier et le lendemain toute mon antipathie pour Odon m’était revenue.

— Raconte-moi un peu, demandai-je dans le train qui nous ramenait vers Paris, à mon amie.

— Hélas ! me répondit-elle, j’ai bien vu qu’Henri ne m’aimait pas. J’ai passé toute une nuit auprès de lui et il m’a préféré l’opium.