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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/270

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L’AMOUR ET LES POISONS

tants, ils sont très proches et très lointains à la fois, ils sont vous-même. D’un geste de la main on peut éteindre les étoiles, on est soi-même tout l’infini.

Une quinzaine d’heures après que j’ai absorbé le haschish, je suis saisi de vomissements, j’ai des vertiges tels que je suis obligé de m’enfermer dans une pièce obscure pour échapper à la sensation de tournoiement, mon cœur bat dans ma poitrine à coups si précipités que je pourrais croire qu’il va éclater, et toutes les dix secondes environ j’ai ce sentiment que l’on éprouve parfois dans les cauchemars d’une chute dans un abîme sans fin, mais mille fois plus net et plus douloureux. Et pourtant, malgré cette sorte de punition infligée à mon corps et à mon esprit, je recommence toujours à prendre du haschish.

Le haschish est sublime, ai-je dit, mais il est incomplet. Il supprime la sensation de l’espace, il ne supprime pas celle du temps, de sorte qu’on est une moitié de dieu, misérablement rattaché à la terre, que le vaste ciel ne peut limiter, mais qui entend pourtant, le bruit des heures et qui demeure leur prisonnier. Il existe à coup sûr une substance qui doit délivrer du temps comme le haschisch délivre de l’espace. J’ai tout essayé en vain, ni le