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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/66

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L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

« Les torrents faisaient du bruit autour de nous, de temps en temps une feuille se détachait et tombait à nos pieds, on apercevait à un tournant du chemin une étroite vallée où flottaient encore des vapeurs du matin, et j’étais tout de même ravie.

« Nous passâmes près d’une église en ruine, sur laquelle il y avait une légende — celle d’un saint tombant d’une montagne — universellement connue dans le pays. Pour faire parler mon compagnon, je lui demandai de me raconter cette légende, que je connaissais parfaitement.

« Sur un ton monotone, il récita quelques phrases qu’il devait savoir par cœur et, sans faire de commentaire personnel, sans parole polie, il retomba dans un profond mutisme.

« Je commençais à être un peu vexée. Je lui fis des avances, je prodiguai des sourires. Rien ne le décida. Nous traversâmes un village, et comme je le questionnais sur les habitants, il répondit avec le même laconisme.

« À un moment, mon cheval se rapprocha du sien et mon genou le frôla. Je sentis qu’il se dérobait et poussait sa monture un peu en avant.

« J’étais surprise et un peu irritée. Mon amour-propre était blessé de l’indifférence de ce rustre. Nous nous arrêtâmes dans une petite hôtellerie du