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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/68

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L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

rochers et nous traversâmes un chaos de pierres qui évoqua à mon imagination des choses fantastiques et romanesques. Il me sembla tour à tour que je commandais une troupe de brigands, que j’étais une héroïne des Mille et une Nuits, qu’un palais enchanté allait m’apparaître.

« Il devait être deux heures de l’après-midi. Le soleil était brûlant. Je n’en pouvais plus. Je dis à Pierre que je voulais me reposer. Nous nous arrêtâmes, il attacha les chevaux et je me couchai sur le sol dur où ne poussait qu’une herbe rare.

« Nous dominions à ce moment la vallée et le coup d’œil que nous avions alors était presque vertigineux.

« Pierre s’étendit aussi, mais à une distance respectueuse.

« Je désespérais de le troubler. Mon dépit faisait place à un sentiment bizarre, celui du joueur qui veut gagner une partie, celui du chasseur qui veut prendre l’animal qu’il poursuit.

« Il était en face de moi et je voyais ses yeux clignoter.

« Malgré moi, les mouvements que j’avais faits pour me mieux placer avaient relevé ma jupe à une certaine hauteur. Le soleil m’engourdissait et m’enivrait un peu. Je ne bougeai plus. Il me sem-