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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/84

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L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

Dans cette brume de cinq heures qui envahit si délicieusement les rues de Paris pendant les premiers jours d’octobre, la mode a passé dans un frémissement d’élégance. Personne ne l’a vue, mais tout le monde croit l’avoir aperçue. Elle s’est glissée chez le couturier, elle a supprimé des volants, donné du bouffant aux manches, dessiné la taille avec un corselet, elle a jeté des dentelles, drapé des plis. Chez la modiste, elle a fait des ravages. Les fleurs claires ont été foulées aux pieds, le crin s’est revêtu de roses aux tons mourants, le feutre est enseveli dans les plumes ; elle a remplacé l’image de Marie Stuart par celle de Marie-Antoinette. On croit avoir entendu son haut talon résonner sur le trottoir. On se fait signe, on se la montre. Pas du tout : elle passe au loin dans un coupé, elle sourit et elle montre une forme inattendue de manchon. C’est une reine invisible que nul n’a jamais regardée en face, qu’on connaît mal, qu’on décrie, à qui on obéit pourtant et dont les lois sont passagères comme les saisons.

Mais c’est encore un autre danger pour la femme d’être esclave de cette variété, qui cesse d’en être une, puisqu’elle modifie toutes les femmes en même temps. D’abord la mode a des aberrations. Il y a quelques années, elle imposa au monde en-