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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/90

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L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

naires du refus. Mon désir et mon amour étaient décuplés. Il alla, en uniforme de collégien, avec des gants blancs trop larges et une cravate d’une longueur ridicule, à un bal où j’étais moi-même. Contre toute attente, malgré les rapports étroits que j’avais avec sa famille, il ne m’invita pas à danser. Je l’appelai, je lui en fis amicalement l’observation et, comme une valse commençait, je l’entraînai. Il dansa en silence ; je le sentais terrifié. Profitant d’un instant où nous étions bousculés, d’un brusque mouvement je le pressai étroitement contre moi et il sentit la chaleur de ma joue contre la sienne. Je crus qu’il allait se débattre. Il s’écarta de toutes ses forces, il perdit le pas, il marcha sur ma robe, il m’écrasa le pied, je dus me faire reconduire.

« Tout cela m’exaspéra bien davantage. Je doutai de moi-même. J’eus peur de vieillir. Je voulais vaincre. Je commis la folle imprudence de lui écrire. Oui, je lui glissai un jour, chez lui, un billet dans la main, un billet où je lui parlais de mon amour en termes déplorablement rococo, comme si j’avais été une toute petite fille.

« Il ne me répondit même pas. Je passai des jours de morne abattement, de détresse morale infinie. J’essayai de ne plus le voir. Je ne pus l’ou-