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Page:L’Auvergne historique, littéraire et artistique, série 3, tome 1, années 1893-1894, 1903.djvu/229

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jurant qu’ils reconnaissaient à merveille les traits du vrai Dauphin qu’ils n’avaient vu qu’au berceau. Tous étayaient leurs dires sur la respectabilité de prélats, d’abbés ou de religieux. Tous avaient des partisans, des zélateurs, une petite cour.

On rencontrait de faux Louis XVII à Bicêtre, à Charenton, à la Salpêtrière, dans tous les asiles d’aliénés. Rien qu’à Bicêtre, en 1836, on en comptait cinq, parmi lesquels un clerc de notaire et un secrétaire d’ambassade, plus deux Louis XVI, un Napoléon et un charcutier qui, en raison sans doute de son embonpoint, se croyait Louis XVIII.

On en rencontrait aussi dans les prétoires de la justice, car la folie ou la superstition ne monopolisaient pas ce genre de mystification. Le charlatanisme, l’effronterie, l’intrigue s’en donnaient à cœur joie. Des apparitions nouvelles coïncidaient avec les variations de la politique, avec les tendances du pouvoir ou les visées de l’opposition constitutionnelle, apparitions plus dangereuses et plus actives que les autres, puisque, sous l’égide d’un parti, elles groupaient autour d’elles un essaim de romanciers, de journalistes, de pamphlétaires, bien ou mal stipendiés, ambitieux faméliques, parasites d’un parasite.

Il est juste de constater que le hasard ou les circonstances s’appliquaient à fournir de temps à autre des aliments aux chimères populaires. Le rapport du froid Cambacérès sur certaines tendances dynastiques de l’esprit public, quand même le fils de Louis XVI aurait cessé d’exister ; les ordres d’arrêt lancés après l’inhumation authentique[1], les affirmations de Barras en 1803, la phrase hypothétique de Napoléon dans sa lettre au comte de Frotté, les déclarations de Pichegru et de Mme de Tourzel, les aveux de la femme Simon aux Incurables de la rue de Sèvres, l’épitaphe du cimetière de Delft, celle du cimetière de Gleizé, mille autres déductions d’observations ou de polémiques développaient ces larves déposées

  1. Le décès officiel du Dauphin est du 8 juin 1795, l’inhumation du 8 et l’acte de l’état civil du 12. Or, au mois de juillet, à Thiers (Puy-de-Dôme), on arrêta, comme étant le Dauphin évadé, un enfant de 10 ans, Morin de la Guérivière, conduit par M. Ojardias. Il ne fut relâché qu’après enquête, sur l’ordre du représentant Chazal.
    Des faits analogues se produisirent sur d’autres parties du territoire.