Page:L’Auvergne historique, littéraire et artistique, série 3, tome 1, années 1893-1894, 1903.djvu/234

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des écorces d’orange qui se sont à la longue creusé un lit de rouille dans la pâte.

Le texte est libellé sans marge, d’un caractère cursif et négligé, avec force ratures et surcharges. Sa caractéristique est une désinvolture absolue en matière de style et d’orthographe. L’auteur s’en explique d’ailleurs dans une sorte de préface où il fait en ces termes sa déclaration de principes :

« Mé sécrit, dit-il, ne sont que de premier sécrit qui nont put aitre corriger. Dune autre pare je sui aubliger de les lescer exisetant afin de démontrer la métode dont je me sui exprimer dan les tems et lieux. Lé changemant ne pouron céfectuer quapret que des guges complétant auron pu porter leur jugement. Car jentant prouver que de tout tems jai possaider et fait husage de toute mé faculter fisique et moral.

» Les fautes de langue et d’ortografe ne son des fautes que pour ceux qui ont aprit la langue. Je nai aprit a pouvoire me faire lire que depuis mon narestation, sen savoire pu me procurer les livre qui mauret pu guider ; et ci jaitait parvenut a men procurer on mauret tauté la fasiliter de pouvoire en faire husage. »

Une pareille fantaisie de grammaire et de syntaxe rend la lecture de l’œuvre d’une digestion laborieuse. Mais si l’on considère que le fond du journal est aussi confus, aussi incohérent, aussi enchevêtré qu’en est la forme, qu’il fourmille de redites oiseuses, qu’il manque de cohésion et se ressent du vague inhérent à un esprit sans boussole, on comprendra qu’avant de l’offrir au public nous ayons dû le soumettre au préalable à un travail de groupement, d’émondage et de coordination qui, tout en respectant l’originalité de l’idée et l’exactitude des détails, lui imprime une allure et une mise décentes. Un petit bout de toilette ne nuit pas plus à la physionomie d’une œuvre qu’à celle d’un individu.

Il y a, nous l’avons dit, dans le personnage que nous mettons en scène, deux individualités distinctes : celle de la vie réelle et celle de la vie factice ; la première terne et vulgaire, prosaïquement enchâssée dans les arides formules d’un état civil, d’un livret militaire et d’un